Victor_Versaille

Victor_Versaille
Moi Victor Lecoup

dimanche 27 septembre 2020

Philatéliste complètement timbré, tamponné, prêt à être expédié !

Ce jour-là, moi, Victor Lecoup, je vais à Orléans, Loiret, Centre, France. Pour mon job, mon enquête, mon reportage. A la chasse aux chasseurs de timbres.




J'y suis accueilli par un confrère local, William. A l'entrée de ce salon annuel des philatélistes royalistes. Ensemble, nous passons de collections en collections. Royales pour ne pas dire impériales ! Ici, celle d'un amateur avisé. Là, celle d'un débutant plein de passion. Une autre majestueuse d'une association de fils de têtes couronnées.


Une bonne heure plus tard, William annonce la fin de la visite. La fin ? 

Je vois pourtant là-bas au bout de l'allée un exposant bien installé. Qui m'intrigue. Je détourne mes pas de ceux de William, qui me rattrape par la manche. Ce monsieur là-bas n'est pas le bienvenu. Qu'importe. J'y vais là-bas, j'y cours, vers l'interdit.

Oh ! Surprise ! Pas une seule planche, pas un seul timbre. Je m'interroge. Je l'interroge. Il me montre son front. Tatoué. Joli timbre entre les deux yeux. Il monte sur la table et se frappe la poitrine en hululant bruyamment. Le public ébahi prend peur et reste coi. Scotché sur place, il assiste au spectacle. Notre homme ôte la chemise, puis le pantalon. Exhibé en slip de bain, string charmant, il clame sa victoire, mille et timbres tatoués sur le corps, du haut en bas, devant derrière, là où il faut et là où il ne faudrait pas. Il réclame le premier prix. J'applaudis. Seul. Me ravise aussitôt.


Pauvre homme, il est complètement timbré ! Alors pour le faire taire, je l'assomme d'un coup de lampadaire. Le voilà tamponné prêt à être expédié ! Loin hors d'ici.


samedi 19 septembre 2020

Le vestibuphile fête Sorel

Ce jour-là, moi, Victor Lecoup, journaliste, je me rends dans le XVIème, Paris, Ile-de-France, France. Pour mon job, mon enquête, mon reportage. A la rencontre de Marcel Robe, un collectionneur de vêtements, qui se dit vestibuphile.

Quel nouveau coup pendable ce diable a-t-il concocté ? Car, je me suis renseigné, cet amateur éclairé est passé maître dans la collecte de pièces de musée. Vente aux enchères par-ci, vide-grenier par-là, service rendu à la Nation, petit arrangement entre garnements, tout moyen justifie ses fins. Ce grand monsieur m’a adressé une invitation personnelle à la Nuit de la lingerie Agnès Sorel. J’en suis flatté, intrigué et amusé. Le carton indique que la célèbre Dame de beauté, favorite du roi de France Charles VII, inventa le décolleté à épaules nues, lança la mode de la cosmétique et mourut en 1450 en Normandie, à Mesnil-sous-Jumièges, empoisonnée au mercure, probablement celui de son maquillage. Drame de la dame. Je suis déjà dans l’ambiance. J’enfile un habit beau, sans queue mais à haut chapeau beau. Me voilà paré pour la soirée ! Partons vite avenue Pierre 1er de Serbie ! J’arrive à l’heure dite au Palais Galliera, privatisé pour l’occasion. Je suis conduit au département « sous-vêtements » par une élégante hôtesse d’accueil, en tailleur bleu sombre hyper class. Me voilà le nez plongé dans cinq mille pièces de lingerie toutes plus belles les unes que les autres. Je ne suis pas seul. Plusieurs personnalités sont déjà là. Parmi elles, je reconnais un ami buveur de bières, un rugbyman populaire, le grand et solide gaillard Bastien Achelabs, mis en habit gris comme moi, avec sa touche à lui, un maillot rouge à ses couleurs. Heureux de nous retrouver tous deux ensemble une coupe de champagne à la main au milieu de jolies dames, nous trinquons souriants en silence. Une invitée jeune et gaie en robe à fleurs multicolores s’approche alors de nous et lève son verre à notre complicité. « Je te présente mon amie Saly Vicha, me dit mon copain. Elle a lancé sa propre collection de lingerie, et cela, avec plus de succès que je n’ai lancé mes maillots ! Bravo Saly ! Nous allons maintenant travailler en duo à une collection de sous-vêtements masculins pensés par les femmes qui aiment les hommes qui aiment les femmes. » Tout est dit. Tout de blanc vêtus, Rémi Jee et Denis Sabaraudé, deux gars hyper clean et chaleureux, les deux nouvelles coqueluches du savon Made in France à New-York, sont là aussi. Ils accompagnent un mécène américain de leurs relations. Isolé dans son coin, un homme étrangement sapé, malvoyant apparemment, attend seul avec son chien qu’on vienne le chercher. Un malvoyant dans une galerie d’art ? Quelle drôle d’idée, il ne peut que toucher … J’apprends par un voisin qu’il s’appelle Luc Féri, avec un « i », inconnu aux bataillons du web. Un malvoyant certes, mais un chien aussi. Ce n’est pas un éléphant, certes, et ce n’est pas de la porcelaine, certes, mais c’est tout de même un grosse bête dans de la dentelle fine et précieuse. Je regarde attentif la troupe peu à peu se former, se saluer et s’interroger sur la raison de cette réunion parisienne entre gens de la mode, noyées dans un mélange subtil d’élégance désuète et de modernité audacieuse.

Ma flânerie au buffet me conduit à croiser une très jeune invitée en jean bleu et chemisier blanc. Elle se dit être Elisabeth Sorel, descendante d’Agnès Sorel et, par là, princesse héritière de je ne sais quel royaume en Europe. Cette nuit se passera dans de la belle dentelle et avec du beau linge ! Pour alimenter la conversation, je lui raconte que je publie une fois par mois sur mon blog des articles parlant des collectionneurs de timbres, de boîtes de camembert, de boutons, de pièces de monnaies, de cordes, ou de cercueils, etc. Je m’ennuie. Je laisse aller mes pensées. Je revis assoupi un poème de Yono-Si :           

Elle est là, je la vois, Mes yeux d’elle ne peuvent plus se détacher

Du regard je la suis sans voix, Qui est-elle cette muse qui m’a déjà envoutée ?

La revérais-je un jour se promener devant moi sous le soleil doré ?

Ou dormir loin de moi à l’ombre d’un petit bois ?

Quelques soudains tintements de cristal me sortent brutalement de ma rêverie. La maîtresse de cérémonie Rose Roubasvel, avec Marcel Robe à ses côtés, s’apprête à dire quelques mots. Cette entrepreneuse a quitté l’industrie du textile féminin pour se lancer dans les jeux de plateaux poétiques, a cessé le jeter le trouble dans l’esprit pour vibrer avec les fées et les Persées. « Je vous présente Monsieur Marcel Robe, annonce-t-elle à son assemblée en se tournant joyeuse vers son acolyte d’un soir. Un vestibuphile émérite qui va vous dire avec ses mots l’événement qu’il va monter avec moi pour soutenir le Made in France de la lingerie. On est venu nous chercher. Nous n’avons pas pu refuser. » Marcel m’adresse de la main un coucou furtif. Je sens de la fierté dans ses yeux. « Mes amis, nous allons créer un musée ! lance-t-il à la foule excitée. Il sera dans un petit manoir normand, niché près de l’abbaye de Jumièges, dans une belle boucle de la Seine, le manoir d’Agnès Sorel, celui où cette Dame de beauté s’est envolée, emportée par Mercure, dieu des voleurs. Maintenant, en route pour la visite ! Choisissons ensemble les pièces que nous allons exposer toute l’année au Musée de la lingerie Agnès Sorel ». La visite commence. Enveloppée dans une superbe robe fourreau rouge éclatant, Gaëlle Sersuet, une consœur de la presse digitale, me croche le bras, complice pleine de malice. Originaire d’Alsace, elle fait rêver la blogosphère avec ses nouvelles sur la mode, les parfums et les soins. Avec elle, je suis bien. « Agnès Sorel, tu sais, j’aime bien, me glisse-t-elle dans l’oreille. » Nous suivons la guide avec application. « À l’énumération des pièces, on entrevoit le secret de l’intime, explique-t-elle : jupons, culottes et pantalons, cages de crinolines, queues, tournures, poufs, chemises de jour, chemises de nuit, cache-corsets, corsets, gaines, soutiens-gorge, guêpières, combinaisons, bas, porte-jarretelles, collants, serre-tailles, etc. » Marcel Robe commente ces présentations pour mettre en lumière les pièces qu’il préfère : le bas-jarretière, le cache-cœur, la chemise-culotte, la liseuse, le négligé, le caraco, le déshabillé, le string, le shorty, le body, le débardeur ou le vertugadin. Ah ! Le vertigineux vertugadin tant aimé des gredins !

 On visite, on regarde, on touche, on comprend, on s’interroge, on enquête, on s’inquiète, on se rassure. Tout le monde s’est pris au jeu. Le chien sage suit le mouvement en guidant son maître. La fête bat son plein. Un mélange d’excitation et d’angoisse. Que choisir parmi tous ces bijoux ! Peu à peu, le groupe construit son catalogue, commente ses choix, s’approprie les possibles, marque les incontournables. Tout se passe bien dans le meilleur des mondes de la dentelle et des frous-frous. L’espace Sorel sera bien.

Quand soudain ! … Rien ne va plus : le chien vire en malin, le toutou devient fou, le cabot sort les crocs, le clébard joue le loubard, le cleps fait parler les biceps. Il se rue enragé sur une parure d’allante allure, la mord, la croque, la craque, la déchiquette, la met en lambeaux, en mille et morceaux, qu’il jette, écrase, massacre. Un carnage qui met la guide en rage et Rose en nage. L’animal sent alors le danger. D’un bond, il se dégage et se sauve, d’un trait, droit devant. La guide se lance à ses trousses, avec Bastien, suivi par Saly, puis par Rémi, Denis et leur Américain, Elisabeth et enfin Gaëlle, qui, libérée de son fourreau, légère dans sa lingerie, poursuit cette poursuite son smartphone à la main, projetant en direct ce fabuleux « Lingerie event» à ses fans, qu’elle adore, et qui vont adorer cela. Quant à Luc et Marcel, ils se remettent tranquillement de leurs émotions, se relèvent et se congratulent. En tapotant sa petite sacoche, Luc fait comprendre à Marcel que le butin est en lieu sûr. Je suis prêt à parier ma paye du jour que la parure déchiquetée n’est pas le seul objet qui cette nuit aura disparu de cette collection. Mais je peux me tromper et le doute profitera aux accusés. En attendant, Marcel s’en retourne d’un pas non chaland consoler Rose du mieux qu’il peut.

J’entends la troupe en furie caracoler en une course endiablée au fin fond du palais. La voilà qui se rapproche. Je la vois. Elle est là fonçant sur moi. Elle passe en trombe me rasant les moustaches et manque d’écraser Luc le téméraire sachant se sauver sans son chien. Rose en cause se mêle d’un jet à la course. Marcel lui emboîte la foulée. Je vois là sous mes yeux le chien, la guide, Bastien, Saly, Rémi, Denis, l’Américain, Elisabeth, Gaëlle le smartphone à la main, Rose et Marcel à la peine, tous en file indienne, courir, détaler, fuir, virevolter, danser en une vive farandole drôlement pressée. Jusqu’au moment où … le chien épuisé vient se réfugier haletant dans les bras se son maître. Tout s’arrête et chacun reste quoi. Quoi ? Va-t-on blâmer l’aveugle ? Va-t-on pendre son chien ? Va-t-on exiger réparation pour ce bout de tissu disparu ?

C’est à ce moment là que Luc, honteux et confus, jura mais un peu tard que son chien ne l’y reprendrait plus. Il ouvre sa sacoche et en sort, devinez quoi, la parure d’allante allure !  qu’il avait habilement subtilisée lors d’un moment d’égarement de cette belle assemblée. Le précieux retrouvé, tout le monde est enchanté.

L’histoire de ce nouveau repaire de vestibuphiles vient bel et bien de commencer. En trombe !

vendredi 11 septembre 2020

Tourne tourne tounugeois à bicyclette


Ce jour là, moi, Victor Lecoup, je me rends à Tournus, Côte-d'Or, France.
 Pour mon job, mon enquête, mon reportage. A la rencontre d'un collectionneur de mille et uns vélos. Vélocipédiste tournugeois.


Le musée est classe. De sages cycles s'alignent silencieux. Deux roues debout sans boue ni bottes de pilote. Le gars, lui, est un peu casse-botte. Genre "qu'a tout vu qu'sait tout mieux que tous". Mes oreilles sifflent. Ma visite mal guidée est mal embringuée.

Peu à peu l'idée me vient qu'un peu d'animation ferait du bien. A mi chemin de la fin, je glisse un mot à un à môme ami à mi chemin entre le bon ami et l'ami donné parce qu'on ne me l'a pas vendu. Il a la tête de l'emploi. Complice, il s’éclipse. Et tranquillement s'en va enfourcher un beau cycle de course du temps du beau Bobet à l'insu du guide guindé dans sa baratin.

Et voilà notre cycliste sur piste pistant le guide. Un guide pisté par un cycle endiablé, c'est la Terre à l'envers ! En file indienne derrière le chef, mon ami pédale aux pieds dans le dos, j'avance à pied sans cape en riant sous cape. Jusqu'à croiser sur mon allée, posé là par hasard dans l'attente d'être fixé sur son sort, un allant cycle m'allant bien que je monte à mon tour.

Le guide, guidé par un coup de guidon mal guidé, se retourne alors et me voit moi monté sur deux roues interdites. Esclandre ! Je me décide à filer sans attendre mon filou de môme dans ma roue, tous deux coursés par le donneur de longs cours. Quelle course amusée en musée !

Je sors dans la rue, suivi de mon môme ami, suivi du guide déglingué, qui se jette dehors sur son vélo à lui à huile et à essence, vieux Solex retapé pour taper dans l’œil des passant pas taupes pour autant. Je double deux jolies filles, avançant bavardant vacillant sur leurs cycles de filles, qui se décident à enfiler la file.

Je roule dans la rue sur mon engin génial, suivi de mon môme ami sur le beau bijou du beau Bobet, d'un Solex isolé et deux bicyclette à demoiselles. Spectacle qui amuse trois gamins gonflés à la gomme de VTT, qui aussitôt décident de joindre sur-le-champ la caravane grave qui passe dans l'aigu des bruits de chaînes mal huilées.

La file file alors en descente à vive allure avec l'allure d'un rustre spectacle de rue. Haut en couleurs. Haut en vitesse. Trop vite pour l'agent de la maréchaussée qui ne s'est pas marré à voir le feu brûlé. Aussitôt sifflé, aussitôt filé. Notre policier de rue sur ses fourches solides solidement pédale.

Un vieux biclou, un bijou à deux roues, un Solex, deux bicyclettes, trois VTT, tous coursés par un agent monté sur cycle ! On passe à vive allure devant les terrasses des cafés. On est craint. On est applaudi. Jusqu'au moment où ... la course prend fin au pied d'un escalier dans les cris et les grincements de dents.

Par chance peu mêlé à cette mêlée bien emmêlée, je parviens à filer à pied à l'anglaise, m'escamotant en montant seul le petit escalier qu'en vélo je ne pouvais pas escalader.


vendredi 4 septembre 2020

Périculosiplantaphile, une plante caustique en danger !

Ce jour-là, moi, Victor Lecoup, je me rends à La Gacilly, Morbihan, Bretagne, France. Pour mon job, mon enquête, mon reportage. A la rencontre d'un caustique collectionneur de plantes toxiques.


Je sonne à la porte. On m'ouvre. On est un homme, solide, bien mis dans son costume bien mis. Comme moi. On et moi sommes faits pour nous entendre. D'emblée le courant passe. "Salut !' "Salut" !". Echange de politesses. Tout va bien. On et moi nous installons à une petite table. Je sors mon bloc-notes. On me le confisque. "Pas de bloc-notes entre nous ! Ici, tu poses les questions, je réponds à ma guise mais personne n'écrit rien. C'est ça ou rien."


Je commence donc mon entretien, les mains croisées, les yeux droits sur lui, pour mieux me concentrer.


"Tu as une collection. Belle. Et un peu spéciale. A ce que j'ai appris. Est-ce bien vrai ?" 
Aucun son mais une vague moue en guise de réponse. "Je suppose donc vrai ce que tes fans racontent. Que cette collection est ici, chez toi, dans cette propriété." Aucun son mais une vague moue en guise de réponse. "Je vais te dire moi ce que je sais que tu as toi, dans cette collection. Du muguet. Joli muguet de mai qui envoie au ciel qui le croit aussi bon à croquer que sublime à respirer. De l'arum. Pas mal non plus, l'arum. Voilà ce que j'en ai retenu :


  • Après l'absorption de parties de plante fraîche, on observe une inflammation, une brûlure et un oedème de la langue et des lèvres, pouvant aller jusqu'à la formation de vésicules. D'autres symptômes apparaissent tels que la soif, l'enrouement, des vomissements, des diarrhées sanglantes avec une hypersalivation et une mydriase. Si l'ingestion dépasse 15 baies, l'intoxication est grave : on observe alors une hypothermie, des troubles cardiaques, des convulsions, un coma s'installe et le décès survient.


Superbe arum ! Qui peut-être confondu avec le tant convoité ail de l'ours ! Superbe piège à belle-mère gourmande de bons petits plats préparés avec amour par son gendre."


Considérant qu'on restera coi tant que je resterai droit, je décide de dérouler ma liste sans attendre de commentaires. La colchique,la rhubarbe, la digitale, le lierre. Des classiques. La fabuleuse belladone, si généreuse avec les héritiers de gens riches au cœur fragile. Sorbier, laurier rose, fusain, amier, bryone, arnica, ciguë, pois rouge, ricin, anémone, dauphinelle. Je liste tout ce que je connais. J'ai en retour toujours la même moue. Rhododendron, hellébore, narcisse, berbéris, houx, gui, lupin, actée, marronnier, chardon, renoncule,chèvrefeuille, pavot, robinier, cytise, nielle, viorne, troène, tabac. Je m'arrête là. Je crois bien avoir fait un tabac.

Tout fier de moi, j'attends d'entendre enfin le son de la voix d'on. Mais rien. J'attends. On attend. Rien. Je décide donc de lâcher le morceau.


"Bravo pour cette collection fabuleuse. J'ai en plus un petit secret pour toi, tout petit secret, pas bien méchant. Je sais, oui, je sais le secret que tu crois que personne ne sait.. Quoi ? Ton labo pardi. Là où tu fais tes décoctions et autres préparations. Ta petite cuisine pour ta petite cuisine. Délicieux nid où tu fabriques avec amour tes remèdes à tomber par terre. Et que tu vends très cher, paraît-il, sous le manteau. Petit coquin ! Balivernes, diras-tu. Et tu auras bien raison. Faire peur, oui, c'est drôle, mais faire mourir, même de rire, non, ce n'est pas drôle."

Alors, je montre du doigt un tout petit tableau accroché à un mur de la salle. Je m'en approche. Je le décroche. Je colle mon œil à un petit œilleton, masquée par le tableau. Et là, avec un peu d'effort, je devine dans la pénombre un tout petit réduit aveugle. On ne paraît pas surpris. Ni furieux. Il vient vers moi et regarde à son tour, réjouis.

"Bonjour, Monsieur Lecoup. Je vous remercie pour votre aide. Si précieuse. Le labo n'est plus un mythe mais il est désormais une réalité, j'en suis tout remué. 
Je me présente, Martin Martin, Gendarme à Saint-Martin-sur-Oust. Allez ! Oust ! On embarque !" Et me voilà menotté par la marée-chaussée, qui sort de la pièce d'à-côté un beau gaillard menotté ... le caustique périculosiplantaphile désormais en danger ...

Regard d'échange entre lui et moi. Lui furibond, moi, furibard. D'un bond, il se jette sur moi. D'un bond, j’esquive. La marée-chaussée bridée vole et s'écrase en éclat, propulsée par ses deux combattants déchaînés. Coups de savates, de poings et de boules. Étranglements contre mouvements d'épaules. Sanglants ensanglantés. On est finalement embarqué là-bas et moi épinglé ici.


Isolé dans ma camisole, je me dis en moi-même qu'on et moi s'accorderont bien un jour pour servir une bonne soupe de ricin à la gendarmerie de Saint-Martin.


dimanche 23 août 2020

Jour de mariage en corbillard


Ce jour-là, moi, Victor Lecoup, je vais à Cazès-Mondenard, Tarn-et-Garonne, Midi-Pyrénées, France. Pour mon job, mon enquête, mon reportage. Officiellement de mariage. En cachette, à la chasse aux collectionneurs de corbillards ...

La mariée est là, au cœur de la fête. Radieuse. Mariée ce jour à la mairie puis à l’église. Elle est sous les pommiers en fleurs dans le parfum des herbes coupées avec tous ses invités bien mis au vin blanc et rouge d’honneur dans le parc du charmant musée hippomobile où son petit frère Clovis conserve une impressionnante collection de corbillards. Corbillards cachés pour l’occasion, en ce jour de belle et longue vie où la mort n’a pas droit au chapitre. Ici, en blanc en pleine lumière, c'est la mariée, la fête, le bonheur, la vie. Plus loin, en noir, enfermés dans le noir, ce sont les corbillards, la tristesse le malheur, la mort.

La fête bat son plein quand soudain un invité un peu éméché se pique de curiosité et pousse la porte de la grange à la collection étrange. Waouh c’est ouf cette touffe de draps noirs ! Surprise ! Émoi ! Éclats de rire ! Ce sournois visiteur ébahi appelle son monde à le rejoindre. Certains curieux et d’autres amusés le rejoignent. La mariée offusquée court les ramener à la fête. Son frère la poursuit pour tenter de la calmer. Grande effusion de cris, de gestes, de pleurs et de rires aux timons de ces carrioles muettes sagement alignées, plus belles les unes que les autres, dans leur noir lustré et leur dentelles de blanc nickel. Bagarrette générale entre les offusqués qui veulent faire sortir la foule, les engagés qui veulent rester là pour visiter ce musée rocambolesque décalé et instructif, et les enjoués heureux de cette belle plaisanterie qui met la mariée en folie !

Bientôt un bruit étrange se fait entendre, dehors, une sorte de trot, oui c’est bien cela, deux chevaux trottent. Au voleur ! Un corbillard se fait la malle. Le sang de Clovis ne fait qu’un tour. Il enfourche sa bicyclette à la poursuite de ces voyous. D’autres le suivent en courant, fourche ou pique à la main, criant des insultes à tue-tête. Étrange cortège de gens en beaux habits de fête à la course derrière un corbillard en fuite. Deux invités malins démarrent un corbillard automobile, plus moderne que les hippos, une sorte de teuf-teuf qui roule à grand peine à 10 km/h. L’un deux empoignent la mariée pour l’emporter dans ce bruyant cortège. Debout sur le siège, son bouquet à la main, son voile au vent, la belle invective son monde, les abjurant de rentrer à la fête et de laisser Clovis faire son affaire de ces méchants garnements.

Je me jette dans mon petit cabriolet violet ni vieux ni laid et roule derrière eux. Un comparse du coin s’y est jeté avec moi. « Tourne à droite ! » me lance-t-il.  Je tourne dans cette rue étroite. « C’est un raccourci, tu vas les coincer au bout du chemin. » En effet, je leur fais face maintenant, avec mon cabriolet violet ni vieux ni laid, que je mets habilement en travers. Le cocher freine des huit fers. Son corbillard s’arrête en trois temps deux mouvements. Mon sang ne fait qu’un tour. Je gicle et je gifle. Le costaud tombe à l’eau du haut de son coche. Son acolyte me tourne le dos pour sauter en fuite à la jamaïcaine. Je le prends par le col et lui décoche un direct du droit tout droit de mon plein droit. Son nez saigne. Le sang tâche. Je place un autre direct du même droit. Ma victime s’écroule, à terre.

La mariée m’embrasse. Clovis m’assomme d’un crochet du gauche. Je tombe dans les pommes, entendant dans la brume un vague « T’as salis mon bijou, voyou ». Je crois, moi, que je n'aurais pas dû laisser sa sœur m'embrasser.



mercredi 19 août 2020

L'échéphile défile en ville

Ce jour-là, moi, Victor Lecoup, je me rends à Nîmes, Gard, Languedoc-Roussillon, France. Pour mon job, mon enquête, mon reportage. A la rencontre d'un échéphile spectateur du championnat de France d'échecs.

Je suis attendu à la gare ferroviaire. Je descends de ma voiture, de chemin de fer, et j'avance vers le hall, de gare, noyé dans la foule, des voyageurs.

J'aperçois bientôt une pancarte "Grand reporter Victor", tenue haut de sa main droite par un petit bonhomme tout de blanc vêtu portant un bonnet multicolore sur la tête. Un fou en somme. C'est mon homme. Je le salue et le suis là où il m’emmène, vers une autre sortie, où nous retrouvons un petit bonhomme tout de blanc vêtu, portant un bonnet multicolore sur la tête, tenant haut de sa main gauche une pancarte "Grand reporter Victor". Nous voilà trois en marche vers je ne sais où, le droitier à ma droite et le gaucher à ma gauche.

Surprise, ô surprise ! j'aperçois bientôt au bout de la rue deux belles montures richement habillées, montées chacune par un cavalier en habit d’apparat, l'un tenant son écu à droite et sa lance à gauche, et l'autre sa lance à droite et son écu à gauche. C'est à leur rencontre que nous allons. Nous voilà cinq en marche vers je ne sais où, un cavalier et un fou à ma droite, et un cavalier et un fou à ma gauche.

Un peu plus loin, deux grands gaillards en cotte de mailles montent la garde à l'entrée d'une cour, l'un sur la droite et l'autre sur la gauche. C'est là que nous allons. Nous voilà sept, mes gardes du corps et moi, en route vers je crois savoir qui, un garde, un cavalier et un fou à ma droite et un garde, un cavalier et un fou à ma gauche.

Nous entrons dans cette maison, belle demeure bourgeoise. Et c'est là que m'accueillent le roi des échéphiles et sa reine, tous deux habillés de blanc de la tête aux pieds. Ils trônent là, m'attendant patiemment, entourés de huit jeunes enfants, garçons et filles, tous très occupés qui à ceci, qui à cela, et tous les huit mis en blanc sur leur 31.

"En marche !" ordonne la reine en se levant de son siège. Elle claque dans ses mains. Les enfants se placent devant elle, en rang par deux. Le roi se lève au côté de sa dame. La troupe se met en marche, huit enfants bien alignés, quatre à gauche devant le roi, quatre à droite devant la reine, avec à leur côté gauche, un garde , un cavalier et un fou, et à leur côté droit, un garde, un cavalier et un fou.

En marche vers je ne sais où. J'accompagne la troupe, seul. Dans une première rue puis une deuxième. Je ne suis déjà plus seul. Bientôt nous remontons l'avenue du Languedoc. Avec à notre suite une foule désordonnée de gens amusés. Un trompettiste et deux tambours ont rejoint les rangs. Nous défilons en musique avec entrain et gravité, un roi, une reine, deux fous, deux cavaliers, deux gardes et huit petits valets, tous tout de blanc vêtus.

Nous entrons dans le Parnasse sous les yeux ébahis des spectateurs. Nous prenons place dans les gradins. Pour assister en grande tenue de roi des échéphiles au Championnat de France d'échecs.

Roi des échéphiles, certes, et amoureux de grand jeu, passionnément.