Victor_Versaille

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Moi Victor Lecoup

vendredi 4 septembre 2020

Périculosiplantaphile, une plante caustique en danger !

Ce jour-là, moi, Victor Lecoup, je me rends à La Gacilly, Morbihan, Bretagne, France. Pour mon job, mon enquête, mon reportage. A la rencontre d'un caustique collectionneur de plantes toxiques.


Je sonne à la porte. On m'ouvre. On est un homme, solide, bien mis dans son costume bien mis. Comme moi. On et moi sommes faits pour nous entendre. D'emblée le courant passe. "Salut !' "Salut" !". Echange de politesses. Tout va bien. On et moi nous installons à une petite table. Je sors mon bloc-notes. On me le confisque. "Pas de bloc-notes entre nous ! Ici, tu poses les questions, je réponds à ma guise mais personne n'écrit rien. C'est ça ou rien."


Je commence donc mon entretien, les mains croisées, les yeux droits sur lui, pour mieux me concentrer.


"Tu as une collection. Belle. Et un peu spéciale. A ce que j'ai appris. Est-ce bien vrai ?" 
Aucun son mais une vague moue en guise de réponse. "Je suppose donc vrai ce que tes fans racontent. Que cette collection est ici, chez toi, dans cette propriété." Aucun son mais une vague moue en guise de réponse. "Je vais te dire moi ce que je sais que tu as toi, dans cette collection. Du muguet. Joli muguet de mai qui envoie au ciel qui le croit aussi bon à croquer que sublime à respirer. De l'arum. Pas mal non plus, l'arum. Voilà ce que j'en ai retenu :


  • Après l'absorption de parties de plante fraîche, on observe une inflammation, une brûlure et un oedème de la langue et des lèvres, pouvant aller jusqu'à la formation de vésicules. D'autres symptômes apparaissent tels que la soif, l'enrouement, des vomissements, des diarrhées sanglantes avec une hypersalivation et une mydriase. Si l'ingestion dépasse 15 baies, l'intoxication est grave : on observe alors une hypothermie, des troubles cardiaques, des convulsions, un coma s'installe et le décès survient.


Superbe arum ! Qui peut-être confondu avec le tant convoité ail de l'ours ! Superbe piège à belle-mère gourmande de bons petits plats préparés avec amour par son gendre."


Considérant qu'on restera coi tant que je resterai droit, je décide de dérouler ma liste sans attendre de commentaires. La colchique,la rhubarbe, la digitale, le lierre. Des classiques. La fabuleuse belladone, si généreuse avec les héritiers de gens riches au cœur fragile. Sorbier, laurier rose, fusain, amier, bryone, arnica, ciguë, pois rouge, ricin, anémone, dauphinelle. Je liste tout ce que je connais. J'ai en retour toujours la même moue. Rhododendron, hellébore, narcisse, berbéris, houx, gui, lupin, actée, marronnier, chardon, renoncule,chèvrefeuille, pavot, robinier, cytise, nielle, viorne, troène, tabac. Je m'arrête là. Je crois bien avoir fait un tabac.

Tout fier de moi, j'attends d'entendre enfin le son de la voix d'on. Mais rien. J'attends. On attend. Rien. Je décide donc de lâcher le morceau.


"Bravo pour cette collection fabuleuse. J'ai en plus un petit secret pour toi, tout petit secret, pas bien méchant. Je sais, oui, je sais le secret que tu crois que personne ne sait.. Quoi ? Ton labo pardi. Là où tu fais tes décoctions et autres préparations. Ta petite cuisine pour ta petite cuisine. Délicieux nid où tu fabriques avec amour tes remèdes à tomber par terre. Et que tu vends très cher, paraît-il, sous le manteau. Petit coquin ! Balivernes, diras-tu. Et tu auras bien raison. Faire peur, oui, c'est drôle, mais faire mourir, même de rire, non, ce n'est pas drôle."

Alors, je montre du doigt un tout petit tableau accroché à un mur de la salle. Je m'en approche. Je le décroche. Je colle mon œil à un petit œilleton, masquée par le tableau. Et là, avec un peu d'effort, je devine dans la pénombre un tout petit réduit aveugle. On ne paraît pas surpris. Ni furieux. Il vient vers moi et regarde à son tour, réjouis.

"Bonjour, Monsieur Lecoup. Je vous remercie pour votre aide. Si précieuse. Le labo n'est plus un mythe mais il est désormais une réalité, j'en suis tout remué. 
Je me présente, Martin Martin, Gendarme à Saint-Martin-sur-Oust. Allez ! Oust ! On embarque !" Et me voilà menotté par la marée-chaussée, qui sort de la pièce d'à-côté un beau gaillard menotté ... le caustique périculosiplantaphile désormais en danger ...

Regard d'échange entre lui et moi. Lui furibond, moi, furibard. D'un bond, il se jette sur moi. D'un bond, j’esquive. La marée-chaussée bridée vole et s'écrase en éclat, propulsée par ses deux combattants déchaînés. Coups de savates, de poings et de boules. Étranglements contre mouvements d'épaules. Sanglants ensanglantés. On est finalement embarqué là-bas et moi épinglé ici.


Isolé dans ma camisole, je me dis en moi-même qu'on et moi s'accorderont bien un jour pour servir une bonne soupe de ricin à la gendarmerie de Saint-Martin.


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