Ce jour-là, moi, Victor Lecoup, je vais à Cazès-Mondenard, Tarn-et-Garonne, Midi-Pyrénées, France. Pour mon job, mon enquête, mon reportage. Officiellement de mariage. En cachette, à la chasse aux collectionneurs de corbillards ...
La mariée est là, au cœur de la fête. Radieuse. Mariée ce jour à la mairie puis à l’église. Elle est sous les pommiers en fleurs dans le parfum des herbes coupées avec tous ses invités bien mis au vin blanc et rouge d’honneur dans le parc du charmant musée hippomobile où son petit frère Clovis conserve une impressionnante collection de corbillards. Corbillards cachés pour l’occasion, en ce jour de belle et longue vie où la mort n’a pas droit au chapitre. Ici, en blanc en pleine lumière, c'est la mariée, la fête, le bonheur, la vie. Plus loin, en noir, enfermés dans le noir, ce sont les corbillards, la tristesse le malheur, la mort.
La fête bat son plein quand soudain un invité un peu éméché
se pique de curiosité et pousse la porte de la grange à la collection étrange. Waouh
c’est ouf cette touffe de draps noirs ! Surprise ! Émoi ! Éclats de rire ! Ce sournois visiteur ébahi appelle son monde à le rejoindre.
Certains curieux et d’autres amusés le rejoignent. La mariée offusquée court
les ramener à la fête. Son frère la poursuit pour tenter de la calmer. Grande
effusion de cris, de gestes, de pleurs et de rires aux timons de ces carrioles muettes
sagement alignées, plus belles les unes que les autres, dans leur noir lustré
et leur dentelles de blanc nickel. Bagarrette générale entre les offusqués qui
veulent faire sortir la foule, les engagés qui
veulent rester là pour visiter ce musée rocambolesque décalé et
instructif, et les enjoués heureux de cette belle
plaisanterie qui met la mariée en folie !
Bientôt un bruit étrange se fait entendre, dehors, une
sorte de trot, oui c’est bien cela, deux chevaux trottent. Au voleur ! Un
corbillard se fait la malle. Le sang de Clovis ne fait qu’un tour. Il enfourche
sa bicyclette à la poursuite de ces voyous. D’autres le suivent en courant,
fourche ou pique à la main, criant des insultes à tue-tête. Étrange cortège de
gens en beaux habits de fête à la course derrière un corbillard en fuite. Deux invités malins démarrent un corbillard automobile, plus
moderne que les hippos, une sorte de teuf-teuf qui roule à grand peine à 10 km/h.
L’un deux empoignent la mariée pour l’emporter dans ce bruyant
cortège. Debout sur le siège, son bouquet à la main, son voile au vent, la
belle invective son monde, les abjurant de rentrer à la fête et de laisser
Clovis faire son affaire de ces méchants garnements.
Je me jette dans mon petit cabriolet violet ni vieux ni laid et roule derrière eux. Un comparse du
coin s’y est jeté avec moi.
« Tourne à droite ! » me lance-t-il. Je tourne dans cette rue étroite. « C’est
un raccourci, tu vas les coincer au bout du chemin. » En effet, je
leur fais face maintenant, avec mon cabriolet violet ni vieux ni laid, que je mets
habilement en travers. Le cocher freine des huit fers. Son corbillard s’arrête en trois temps deux mouvements.
Mon sang ne fait qu’un tour. Je gicle et je gifle. Le costaud tombe à l’eau du
haut de son coche. Son acolyte me tourne le dos pour sauter en fuite à la jamaïcaine. Je
le prends par le col et lui décoche un direct du droit tout droit de mon plein
droit. Son nez saigne. Le sang tâche. Je place un autre direct du même droit.
Ma victime s’écroule, à terre.
La mariée m’embrasse. Clovis m’assomme d’un crochet du gauche. Je tombe dans les pommes, entendant dans la brume un vague « T’as salis mon bijou, voyou ». Je crois, moi, que je n'aurais pas dû laisser sa sœur m'embrasser.
La mariée m’embrasse. Clovis m’assomme d’un crochet du gauche. Je tombe dans les pommes, entendant dans la brume un vague « T’as salis mon bijou, voyou ». Je crois, moi, que je n'aurais pas dû laisser sa sœur m'embrasser.
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